"La race est un critère trop incertain et dangereux pour pouvoir avoir des applications politiques. La langue qui invite à se réunir, mais n’y force pas comme la race elle est une construction artificielle. La religion, ne saurait offrir une base solide à la constitution de la Nation, en effet l’individualisation de la religion, la sécularisation de l’Etat, la séparation moderne entre le public et le privé ont fait perdre toute dimension fédératrice dans l’espace public à la religion". .. Ernest Renan.
Il est tout à fait normal que nous Algériens, nous ne puisions arriver à un consensus autour d'un sujet aussi ambigu que celui de la laïcité, avec tous les préjugés qui lui sont collés au dos, par ignorance ou intentionnellement. Même en Occident la laïcité n’est pas définie d’une façon homogène d’un pays à un autre.
Me concernant, je suis vraiment heureux de voir le débat sur la laïcité sortir enfin, des salons fermés de l’élite vers le grand public, chose que j'ai toujours souhaitée.
Les questions fréquemment soulevées au sujet du rapport laïcité/religion sont du type : peut-on être laïc et croyant, voire même, pratiquant ? Qu’elle est donc la part de vérité sur les préjugés qui entachent la laïcité chez nous ; la confondant carrément à l'athéisme, ou au meilleur des cas, à l’animosité envers la religion et à toute expression de celle-ci dans l'espace public ? Y a-t-il une chance à une laïcité "made in Algeria" qui ne soit pas nécessairement fondamentaliste et exclusive "etakfir elaiiki" (l’hérésie laïque), par opposition à l’hérésie religieuse "etakfir edini" des fondamentalistes religieux ?
Me concernant, je dis oui ! Et à certains de nos laïcs algériens qui pensent peut-être, qu'être musulman, qui est un choix religieux est incompatible avec le fait d'être laïc, qui lui est un choix politique ; je leur dis tous simplement, que vous êtes carrément à côté de la plaque, que votre laïcité n'est pas innocente, puisqu’elle puise dans d'autres sources que celles de nos "Dchour " et de nos "Ksour".
En plus, si dans un pays majoritairement musulman comme le nôtre, où la religion ou disant l’exercice du rituel religieux collectif ou individuel est trop voyant, y est présent à longueur de journée et fait donc partie de notre patrimoine cultuel et culturel ; la licité n’est portée que par la minorité ethnique comme chez nous ou confessionnelle comme en Égypte par exemple, ou qu'elle n’est le souci que de l’élite "éclairée", comme c'est la cas partout ; elle sera toujours perçue par la majorité comme une démarche "non innocente" et agressive envers leur conviction, leur mode de vie et de culte. La laïcité sera toujours perçue alors comme un cheval de Troie, pour faire passer leur choix "élitiste" et imposer leur vision des choses sur l’ensemble de la population.
Aggravée par le fait qu’une certaine catégorie de laïcs algériens, heureusement pas tous, font dans l’orthodoxie et le fondamentalisme laïc une devise ; ceux-ci qui ne croient pas à l’évolution des idées et des esprits ni au réajustement des approches politiques et refusent donc, tout compromis avec certaines formations politiques nationales à connotation religieuse, qu’ils traitent d’obscurantistes voire, carrément de terroristes ; Chose que je déplore et je trouve qu’elle est incompatible avec l’esprit même de la laïcité, qui ne vise en somme que le vivre ensemble et la paix sociale.
Le plus grave, c'est qu'ils véhiculent chez le peuple une fausse impression, d’être face à un refus catégorique de l’Islam en tant que religion. C’est un contre-argument trop dangereux et irrationnel et carrément erroné, qui ne profite guère à la diffusion de la laïcité chez nous, chose que je ne cesse de condamner et de combattre avec toutes mes forces. En effet, la tolérance et le respect de l'autre sont une route à doubles voies, on ne peut pas les réclamer aux autres, alors que l'on n'est nullement disposé à les exprimer à leur endroit le pire pour une la laïcité s’est d’ériger des remparts idéologiques qui l’empêchent de dialoguer d’assumer la diversité d’opinons et donc de composer avec tous.
Islam et laïcité autour d'une même table :
L'Islam est-il compatible avec la laïcité ? C'est une évidence ! Et si je dis cela, ce n'est pas une chimère que je poursuis, ni un désir que je pourchasse. L'islam, tout comme la chrétienté d'ailleurs est fondamentalement laïc, il n'a jamais prisé ou cherché le Pouvoir temporel sur les hommes, pour preuve : lorsque Qouraïchites, au tout début de "la biaata" (phase de divulgation du message de l'islam), et pour interdire à Mouhammad (Qssl) de proférer des offenses contre leurs divinités, de soulever les esclaves contre leurs maîtres et de remettre en cause l'ordre établi ; demande donc à Abu Talib, l'oncle du prophète de dire à son neveu que : " s'il cherche la royauté ( le Pouvoir) on le proclamera roi, s'il cherche la richesse, on le rendra le plus riche d'entre nous, etc. En perpétrant même des menaces à leurs endroits. Le prophète (Qssl) et après avoir entendu cela de la bouche même de son oncle dit : "Ô mon oncle ! Je jure par Allah que même s’ils mettaient le soleil dans ma main droite et la lune dans ma main gauche pour me faire renoncer à cette mission (el Amr), je ne renoncerais jamais jusqu’à ce qu’Allah la fasse triompher ou que j’y perde la vie".
L'Islam est un État et une religion dites-vous ? Que, pensez-vous alors si l'un des rois qui reçut le fameux message du prophète Mohammed (Qssl) " Aslim taslem" (c'est dans l'islam que se trouve votre salut), aurait accepté l’Islam ? Aurait-il préservé son royaume et son Pouvoir ? Ou au contraire, aurait-il été réduit à l'esclavage par cet homme qui affirme être l'envoyé du Ciel ? Malheureusement, l'histoire ayant pris d'autres tournures, elle n'est pas mesurée de nous le dire.
Pourtant, les Ayats (versets) du Coran à ce sujet sont nombreuses, " Wa ma enta alayhim bi moussaytir " (et tu n'es pas un dominateur sur eux), " Anoulzimkoumouha wa entoum laha karihoun? " (devrons-nous vous l'imposer alors que vous la répugniez?), " la ikraha fi eddin" ( il n' y a pas de contrainte dans la religion), qui énonce le principe même de la liberté de conscience, etc. ou dans sourat Fussilat(les verstes détaillés) aya 11: " Il S'est ensuite adressé au ciel qui était alors fumée et lui dit, ainsi qu'à la terre : " Venez tous deux vers moi, bon gré, mal gré". Tous deux dirent : "Nous venons vers toi sans contrainte (librement)".
Ce qui est sûr et certain, c’est qu’il n’y a pas de foi sans liberté ! Imaginez-vous des croyants sous contraintes, ramenés (rabattus) vers Dieu haut les mains et kalachnikov aux dos ? Que va-t-il faire dieu avec ce genre de croyant ? En serait-il heureux ? Si nous autres humains, nous n'acceptons pas d'être aimé d'un amour forcé ou hypocrite ; Comment voulez-vous alors, que dieu puis se l’admettre pour lui même ?
La foi est une démarche consentante et consciemment libre ; il est dit dans le Coran : « Et dit : "La vérité émane de votre Seigneur" Quiconque le veut, qu'il croit, et quiconque le veut qu'il mécroie» el Kahf 29.
Il est bien connu que l’école du rationalisme musulman a devancé les mouvements laïcs en Occident. Ibn Rochd ( Averroès 12e siècle ) « Le Commentateur » d’Aristote comme on l’appelait, l'un des plus grands penseurs de l'Espagne musulmane, C’est lui qui prononça le divorce entre le croire et le savoir, et entre la pensée rationnelle et l’émotionnelle qui freinaient jadis la pensée occidentale. Saint-Thomas-d'Aquin lui-même; n’hésitait pas à le décrire comme l'un des pères fondateurs de la pensée laïque en Europe de l’Ouest. On lui doit tout, disait-il. Le débat sur la raison et par la suite sur la laïcité était d'abord un débat islam-islam avant qu'l ne devienne chrétien-chrétien.
C’est grâce aux traducteurs juifs de Catalogne et d’Occitanie, qu’une partie de ses ouvrages a pu être sauvée et beaucoup furent brûlés par l’obscurantisme des Almohades. Saint Thomas d’Aquin comme philosophe, lui doit presque tout, ce dont témoigne le philosophe Ernest Renan, lui qui tentait un mariage forcé de la religion et de la raison.
Avec les mutazilites l'islam a pu poser et sans complexe la problématique du rationnel et de l'écrit et la controverse sur " enakl wel aakl " (l’écrit sacré et la raison) dans la religion,ce qui était en ces temps, une vraie révolution, qui surpassa et de loin ce qu’étaient permis de débattre au sein de l''Église catholique qui étouffait les arts et les sciences et devança même les mouvements laïcs en Europe et donc la Révolution française elle-même.
En conclusion : l'islam (sunnite majoritaire) et bien qu'il ne soit pas doté d'une institution ou de clergé, devra, à mon avis, suivre le même processus que celui du christianisme, il n'a pas le choix ! Il doit revenir aux sources limpides où "la foi primait sur le dogme", celles du premier siècle notamment ; tout comme la chrétienté ayant revenu à sa version apostolique avait renoncé à sa quête du pouvoir temporel mais plutôt celle des cœurs et es âmes qui est le plus important aux yeux de Dieu ; "mon royaume n'est pas de ce monde" disait Jésus. Avec la laïcité, et malgré les luttes et la résistance de l'Église catholique romaine, elle a finalement compris ; le faisant, elle a gagné en image et en humanisme. Toute tentative d'impliquer la religion au Pouvoir, je dis bien au pouvoir et non pas à la politique, ne vise en somme, que l'exercice du celui-ci au nom de celle-ci.
Mariage forcé ?
La recrudescence du fondamentalisme religieux, qui représente la véritable matrice de la violence politico-religieuse qui s’alimente des injustices sociopolitiques, de l’oppression et de l’absence des libertés que souffrent nos sociétés, semblent l’emporter sur les courants modérés de l’Islam politique pacifique, qui déploient (apparemment !) faut-il l’avouer ! Des efforts pour s’accommoder aux institutions et intégrer la notion du modernisme que requiert l’Etat-nation et civil dans ses programmes et dans son discours. En plus, et honnêtement parlant, dans la société moderne, tous est politique, tous les aspects de la vie courante sont gérés par une politique, et la chose religieuse n’en soustrait pas. Comme toute chose du monde, la religion reste dépendante de la politique générale l'Etat et de ses orientations et même de ses manipulations. Théoriquement, la religion n'est pas censée faire de la politique, ou du moins, celle dont l’esprit n’a pas assez évolué pour lui envisager une application politique afin de défendre sa vison du monde ou ses valeurs, celles universellement admises et reconnues ! En occident, la démocratie, la liberté et la religion ont beaucoup appris les unes des autres et ont fait du chemin ensemble, il peuvent théoriquement coexister en harmonie dans le domaine public sans problème.
Pragmatiquement, je pense qu’on doit reconnaître à la religion une fenêtre d’expression politique contrôlée, pour couper la route au fondamentalisme et donc à la violence politique qui s’exerce en son nom. Au lieu de parler à coups de balles, de bombes ou de couteaux, je préfère voire ces gens-là, qui ne sont pas tous des adeptes de la violence ; les voir gueuler, se disputer au sein d’un hémicycle d'une chambre parlementaire ou autour d’une table de débat civilisé et des arènes du débat politique constructif.
En plus, l’Islam dogmatique issu du " hanbalisme" pur et dur tel qu’il est pensé et vécu, ne permet malheureusement aucune possibilité de débat contradictoire en son sein, contrairement à la politique qui elle, peut s’offrir le luxe du débat et la possibilité d’émettre un avis et son contraire, et faire donc progresser les esprits verrouillés du dogmatisme religieux.
Des sujets dont il est impensable de débattre au sein de la religion, seront tout bonnement transposer dans le champs politique, via des formulations qui lui seront propres. À ce titre, je ne vois aucun mal à ce qu’une formation politique légalement constituée, à connotation religieuse ou même ethnique, fasse de la politique pour défendre ses valeurs, ses intérêts, à condition qu’elle adhère clairement et pleinement aux règles du jeu démocratique, aux exigences du vivre ensemble, à l’impératif de l’alternance au pouvoir, à la notion de citoyenneté, à celle de l’État-nation ; et surtout à la suprématie de la loi civile et la constitution du peuple souverain à toute autre référence ou source extra constitutionnelles, fussent-elle ancestrales ou célestes, néanmoins des qu’elles, elle peut puiser son âme.
C’est impossible me diriez-vous ? Si l'on examine de prés les expériences des pays comme la Belgique où toutes les confessions, celles qui répondent à certains critères préétablis par la loi bien évidemment, sont reconnues, enseignées et financées par l'Etat. L'Allemagne, l'Italie, le Royaume uni ou même la France, berceau de la laïcité européenne où l'Alsace-Lorraine et les Dom-Tom y font encore une singularité.
En Amérique du nord, la foi et la politique font de apparemment bon ménage, au point où Tocqueville disait au sujet de la démocratie américaine : " J'avais vu, parmi nous (en Europe), l'esprit de religion et celui de liberté marcher presque toujours en sens contraire. Ici, je les ai trouvés intimement unis l'un à l'autre. Ils régnaient ensemble sur le même sol.".
En Israël, ce pays qui se décrit elle-même comme une oasis démocratique au milieux d'un océan d’obscurantisme et totalitarisme arabe dans lequel il beigne ; recèle dans sa cartographie politique six partis religieux purs et durs, pour ne pas dire plus ; ceux-ci qui en se cachent pas et ne cachent pas leur buts.
La Turquie laïque sous l’AKP qui est un parti islamique et malgré son succès apparent, son modèle, jugé par certains comme une forme de replis des valeurs laïques chez les Turcs. Inversement, en Suède, l’Église évangélique luthérienne est admise comme religion d’État, bien que les Suédois soient totalement indifférents à la chose religieuse, contrairement à la France qui affiche une orthodoxie flagrante et considère toute forme de présence de la religion dans l'espace public comme un défi idéologique majeur.
À mon avis, et vue la recrudescence de l’intégrisme religieux qui s’alimente et se justifie par l’oppression politique. L'ouverture contrôlée du champ politique à une forme d’application politico-religieuse est une tendance inévitable, puisque le champ public le lui est déjà ouvert et de fait ! Cette ouverture avec laquelle l'on devrait composer pour éviter tout autre conflit sanguinaire entre la liberté, démocratie et la religion pour l’exercice du pouvoir.
La "régression féconde" prônée par "M. Addi Lahouari", qui vise selon lui : « à construire avec "nos contradicteurs" une société civile sur des bases logique et que : «L’exercice du pouvoir par les islamistes mettra fin dit-il à la domination du hanbalisme qui est une interprétation rigide de l’islam qui se nourrit du profond mécontentement social » … « ces sociétés sont travaillées par une contradiction profonde : d’un côté, elles sont prisonnières d’une lecture hanbalite du Coran, et d’un autre côté, elles veulent se développer, se moderniser, croyant qu’il suffit d’appliquer le texte sacré pour que tous les obstacles disparaissent par la magie du Verbe. Sous des gouvernements islamistes issus des urnes, les sociétés musulmanes déchanteront assez vite (10-20 ans) et se réveilleront à la réalité, donnant naissance à des citoyens qui seront acteurs de leur histoire. C’est cela la fécondité, la naissance d’une interprétation moderne de l’islam qui mettra fin aunaql (imitation servile du passé) pour le remplacer par le ‘aql (créativité pour enrichir et dépasser le passé). » Disait le sociologue "el houri Addi", en son : Retour sur "la régression féconde".
Je préfère plutôt parler de l'exercice de la politique que du Pouvoir, est à même, non pas à mettre en échec l'islam politique, mais de l'aider à se "dédogmatiser" et sortir de ce bigotisme dans lequel il veut nous verser par cette lecture hanbalite rigide et anachronique, qui nous fige dans le temps tel un mammouth piégé dans les glaces.
Suivre le processus de l'Église chrétienne en occident fera évoluer sans aucun doute ces esprits, qui ne voient de solutions que dans le retour aux sources de la religion, car selon eux, le déclin du monde musulman n'était dû que par notre écartement de celles-ci et que notre sous-développement et notre faiblesse n'étaient à leurs yeux, qu'un châtiment divin.
Même si cet exercice risque de faire perdre à la religion de sa spiritualité et la met au rang de simples courants politiques de gauche, de droite ou du centre, qui se disputent "vulgairement" le pouvoir ; « ces sociétés sont travaillées par une contradiction profonde : d’un côté, elles sont prisonnières d’une lecture hanbalite du Coran, et d’un autre côté, elles veulent se développer, se moderniser, croyant qu’il suffit d’appliquer le texte sacré pour que tous les obstacles disparaissent par la magie du Verbe. Sous des gouvernements islamistes issus des urnes, les sociétés musulmanes déchanteront assez vite (10-20 ans) et se réveilleront à la réalité, donnant naissance à des citoyens qui seront acteurs de leur histoire. C’est cela la fécondité, la naissance d’une interprétation moderne de l’islam qui mettra fin aunaql (imitation servile du passé) pour le remplacer par le ‘aql (créativité pour enrichir et dépasser le passé). » disait le sociologue el houri Addi en défendant sa thèse.
Y a-t-il un danger derrière une telle ouverture, que certains peuvent la juger comme dangereusement naïve ? Bien évidemment oui ! Mais les garde-fous que doit imposer un exercice équilibré du Pouvoir et le contrôle des institutions totalement indépendantes, ainsi que ceux que la constitution de l'État impose, celle-ci doit baliser en toute clarté l'exercice du pouvoir et les limites à ne pas franchir pour chaque institution de l'État. Tous ceux-là seront en mesure, je le pense, à faire barrage à tout penchant totalitaire et "absolutiste" et toute tentative de revirement dangereux de trajectoire, qui risque de nous catapulter vers une théocratie répugnante.
La mouvance islamiste croît dur comme fer que le peuple lui est totalement acquis, que ce dernier est convaincu que toutes les solutions à ses problèmes, à ses malheurs, se trouvent dans l'Islam, du moins, c'est ainsi qu'on lui avait expliqué la chose. Utiliserait donc la politique pour arriver au Pouvoir, sous couvert d'un exercice démocratique correct et anodin, puis soumettre ensuite la question de "la charia" au peuple, qui va l'avaliser de facto et nous serions ainsi, face à une volonté du "peuple souverain" qui a dit son mot et dont la volonté devra être respectée. C'est une configuration classique, prévisible et tout à fait possible a vis-à-vis de laquelle la constitution doit nous prémunir avant de se lancer dans de telles aventures. J'en conviens !
La règle est que la religion, tout comme la culture et l'histoire de la nation d'ailleurs, restent des sources d'inspiration dans lesquelles la constitution de la nation peut, éventuellement puiser son esprit et forger son âme, afin d'assurer la cohésion sociale et construire l'État moderne typiquement algérien qui ne se déconnecte pas de ses valeurs ancestrales ou religieuse. Ce sont-là des entreprises d'apparence antagoniques, mais tout à fait réalisables si l'on pousse tolérance politique à des limites admissibles, mais contrôlées et si l'on met bien sûr dans la marmite un brin du génie algérien pour arriver un à pacte sociopolitique à même de préserver le si précieux vivre ensemble.
Faiblesses de la laïcité algérienne :
Si la laïcité enfin, celle que ce genre de laïcs prônent chez nous est « innocente », elle est obligée de faire dans l'ouverture et la tolérance, mieux encore que l'islam politique, qui lui, ayant pigé le truc, joue dans la tolérance que certains qualifient uniquement de "médiatiques", mieux que certains laïcs de chez nous, qui font dans la véhémence idéologique et la virulence verbale contre-productive voire même, dans la confrontation directe avec la société, leur cheval de bataille.
En réalité dieu est omniprésent parmi nous, en nous, que l'on veuille ou pas, l'homme est un être religieux, la religion chez nous est présente, elle marque notre quotidien, elle rythme la vie de tous les jours, conditionne nos mœurs, elle s'exprime à chaque heure, à chaque événement personnel ou collectif elle y note le temps et l'espace. Toute forme de virulence verbale ou véhémence idéologique envers la chose religieuse, que ce soit sous le titre de la défense de la liberté, la démocratie ou celui de la laïcité, sera perçue par le peuple comme une démarche non innocente et une forme de relais Islamophobe qui œuvre en intra-muros pour la solde d'une partie d'occident qui nous rejette, nous dénigre et fait tout pour nous nuire.
À mon avis, la laïcité est mal défendue en Algérie, puisqu'elle reste en déphasage complet par rapport au tempérament populaire et les aspirations réelles de l'ensemble des Algériens, ainsi que de leurs priorités quotidiennes et qui voient les choses sous un autre œil. Pour être acceptée, la laïcité algérienne doit prendre en considération tous les aspects de "nos cultures", de "nos histoires", de notre tempérament particulier et de nos valeurs intrinsèques, moyennant le respect de l'autre et de ses différences, ses divergences idéologiques et ses susceptibilités. Toute approche autre que celle-ci n'aura aucune chance de réussir.
En droit public, la rigueur laïque est une source de tensions d'ordres politiques entre ceux qui croient et les athées, ainsi qu'entre les adeptes des différentes confessions coexistantes. La laïcisation à outrance de l'espace public peut donner des résultats contraires à l'esprit même de la laïcité. Théoriquement, la seule exigence de la laïcité est le repli de la religion et toutes ses formes d'expression rituelles dans sa sphère privée, chose impossible à réaliser chez nous, vue le caractère collectif et trop voyant de l'exercice du rituel musulman.
Transposer donc chez nous les susceptibilités laïques françaises, ou convertir la laïcité en une sorte de religion d'État pour substituer à la religion ancestrale aux yeux de la majorité croyante, est une mauvaise idée qui ne servira pas laïcité algérienne, bien au contraire. Pousser donc la laïcité à ses limites les plus extrêmes et ses lectures les plus rigoureuses, nous mène directement au droit d'outrage, pour taquiner la religion au nom de l'exercice de la liberté elle même ; qui opposera la frange croyante de la société à celle des " non-croyants ou des ultras laïcs".
L'histoire montre en effet, que, lorsque la religion est paisible et sereine, elle accepte sans problème la coexistence et le débat. L’Andalousie d'avant l'inquisition, le Maghreb arabe et l'Empire ottoman sous Bajazet II, où de nombreux juifs, les plus chanceux en fait y ont trouvé refuge de l'inquisition, au point où le sultan Bajazet II ordonna de bien les accueillir et dit : « Vous appelez Ferdinand un monarque avisé, lui qui a appauvri son empire et enrichi le mien ! ». Ils sont à l'origine de la très importante communauté de Salonique. Ces épisodes historiques sont là pour nous le rappeler. Mais si la foi se retrouve assaillie et attaquée de toutes parts, la religion regain de la véhémence et sort ses griffes.
La France coloniale l'ayant compris, elle n'a jamais tenté d'imposer sa laïcité aux Autochtones, elle mit ses colonies sous régime du concordat et la religion islamique fut instrumentalisée pour préserver la paix sociale, allant même à créer un statut de droit local, le sénatus-consulte du 14 juillet 1865, article 1er selon lequel : " L'indigène musulman est français, néanmoins il continuera à être régi par la loi musulmane." Elle affichait une tolérance aux traditions religieuses locales, notamment à certaines "Zawiyats non rebelles" et certains "marabouts" ; pour tenter de réduire ainsi l'islam à ses aspects les plus folkloriques, qui ne menacent pas sa présence et qui ne puissent pas entraver sa mission " civilisatrice ".
En plus Il est bien connu que le piratage de la laïcité par la raison d'État est plus dangereux que l'absence de la laïcité elle-même. En effet et sous couvert de défendre "le caractère laïc de l'État" et les droits des minorités. Aussi bien, l'Algérie des années 90 et moins que l'Égypte actuelle, qui n'a gagnée en laïcité pas plus qu'elle aurait pu gagné en démocratie, hélas !
La laïcité algérienne dont je rêve, est celle qui vise à construire un régime non totalitaire, une gouvernance qui ne soit pas absolue, de type théocratique ou militaire, un État civil qui respecte la confession de la majorité du peuple. Une variante laïque, intelligente, capable de vivre et faire vivre la société en un dynamisme créatif, participatif, non excluant et en totale harmonie avec ses valeurs ancestrales, ses cultures, son histoire, ses croyances.
Une laïcité à même d'assumer le concordat politique, basé sur une concordia sociale vraie et solide, qui prend en charge toutes les dimensions et profondeurs civilisationnelles de la nation ; tout comme la dimension judéo-chrétienne l'est pour l'union européenne ; pourtant, formée majoritairement par des pays laïcs. Ceci est pour moi un impératif de réussite pour cette la laïcité algérienne que je souhaite pour mon pays ! Une laïcité qui doit bâtir au lieu de détruire, unir au lieu de défaire, respecter au lieu de maudire et qui soit fédératrice au lieu d'être disloquante , qui protège la religion des abus du pouvoir et son instrumentalisation et protège le pouvoir des différentes lectures de la religion.
l'Europe ayant appris de cette coexistence Etat-religion au point où l'on parle désormais de laïcité européenne aux pluriel.On y distingue donc , des régimes "de religion d’État" ou "d’Église établie", les régimes de "cultes reconnus" et les régimes "séparatistes ou laïques" au sens strict et même des régimes " neutres". Les notions de laïcisation et de sécularisation offrent désormais la possibilité d'imaginer différents types d’évolutions historiques dans les rapports État-société-religions.
Les temps de l'inquisition religieuse et des révolutions laïques sanguinaires où l'on criait : " il faut pendre le dernier des monarques par les tripes du dernier des moines ! " , ces temps-là sont bien révolus.
Une séparation de raison, mais ne soit pas absolue, qui laisse une fenêtre ouverte à une forme d'expression politique qui se nourrit des valeurs religieuses compatibles avec celles universellement reconnues, qui les défend et prêche pour la moralisation de l'exercice du pouvoir est une chose possible et réalisable.
Une forme de politique qui puise une partie de son âme de la source religieuse entre autres, sans se laisser entraîner dans le dogmatisme aveugle qui cause l'inertie sociale ou être séduite par un penchant "totalitariste" qui se cacherait derrière le sacré et finira par fermer la porte à toute alternance, qui reniera la démocratie et réfutera toute référence à la constitution du peuple souverain et libre, mais d'une liberté qui ne l'enchaînerait pas et ne l'exclurait par.
Toute autre configuration ne fera, à mon avis, qu'alimenter le rejet social et le repli confessionnel sur soi-même au grand bonheur du fondamentalisme.
Finalement, la laïcité ne peut fonctionner que dans un état de droit, démocratique, pluraliste, qui assume sa pluralité, ne fait pas de lecture sélective de son histoire et pense " l'état-nation" comme un tout, une entité entière et indivisible et surtout, non exclusive. La laïcité doit être l'affaire de tous, je dis bien de tous !